Redon. « Les maisons poussent, mais ce n’est pas pris en compte ! »
Pour les maires, commenter chaque année les chiffres de l’Insee est un exercice périlleux tant la méthode divise et entre en décalage avec la réalité de terrain ressentie ou vécue.
Exemple avec Lionel Jouneau, maire de Saint-Perreux. D’après l’Insee, la commune dévisse et va bientôt passer sous la barre des 1 000 habitants, avec une baisse annuelle de 2 % de son nombre d’habitants entre 2016 et 2022. Au bout du fil, il le prend avec son humour habituel teinté d’un fort agacement.
Des aléas démographiques anciens toujours impactants
« Il y a déjà une donnée à savoir, dans la période de référence de l’Insee, nous avons eu vingt décès par an sur deux ans. C’est une génération qui s’en est allée. Forcément avec le décalage pour établir la population légale, ça nous impacte », commente l’édile.
Entre-temps, 47 permis de construire ont été déposés. « Les maisons poussent comme des champignons autour du bourg mais ce n’est pas pris en compte. »
Changer la loi pour modifier le mode de calcul ?
Lionel Jouneau explique avoir alerté l’Insee et des parlementaires. Son idée ? « Ces chiffres-là, c’est de la pure statistique qui ne reflète pas la réalité du moment. Il faudrait une loi prescrivant une révision intermédiaire grâce aux chiffres des services fiscaux. Ils savent bien combien de taxes foncières sont payées en plus ! »
Difficile en effet pour les élus de jouer les VRP alors que des chiffres semblent indiquer le contraire de ce qu’ils constatent. À Saint-Perreux, le maire l’assure : il n’y a plus qu’une dizaine de bâtisses vides dans l’ancien potentiellement disponible à la vente.
« Dans les deux ans on aura 74 logements en plus, tout confondu. Si l’on fait le calcul en multipliant par deux ou trois occupants, on va plus vers les 1 400 habitants, sans compter les terrains encore constructibles ! Les promoteurs ne mettraient pas 5 à 7 millions d’euros dans la commune s’ils la pensaient en déclin. »
L’après Covid et le télétravail changent la donne
La commune jouit d’un positionnement idéal dans la continuité immédiate de Redon, dans le Morbihan, et attend avec impatience la mise en place d’un réseau de bus cadencé organisé par l’Agglo. Red, ce pourrait être son nom selon la marque déposée à l’Inpi, est annoncé pour juin ou septembre. « Avec une ligne entre Saint-Nicolas-de-Redon et Saint-Perreux en passant par Redon, on va gagner encore plus d’attractivité. Actuellement en voiture, je suis le maire le plus proche du siège de l’agglo, mais aussi de la gare », sourit Lionel Jouneau.
Il observe aussi que les habitudes ont changé depuis la crise du Covid puisque, désormais, on n’attend plus la retraite pour concrétiser un projet professionnel : « En quelques mois, les gens se décident à changer de cadre de vie et s’installent grâce au télétravail. Tout ça une fois de plus, ce n’est pas dans les chiffres de l’Insee. »
« 250 000 € de dotations perdus »
Pour les élus, au-delà de la vie du bourg, il y a aussi une réalité financière : la dotation globale de financement (DGF) que reçoivent les communes de l’État découle de cette population légale. A ce compte-là, comme d’autres communes, Saint-Perreux ne voit pas ses recettes de fonctionnement augmenter. « Je pense que nous aurions pu avoir 250 000 €. Avec une telle somme, on aurait déjà remis à niveau le périscolaire et la restauration scolaire. »
Car l’objectif du maire est bien sûr d’attirer les jeunes ménages qui garantissent un bon remplissage des écoles, contribuent à la dynamique associative et sait attirer des services utiles au territoire car « on n’est pas de Redon ou de Saint-Perreux, mais du pays de Redon ».
Atteindre la barre des 1 500 habitants
L’objectif est d’atteindre les 1 500 habitants, seuil qui permet l’installation d’une pharmacie et d’accompagner les projets des occupants de la maison paramédicale privée devenue trop petite en accueillant, pourquoi pas, un médecin.
On le voit bien, derrière les chiffres bruts de l’Insee, c’est aussi l’histoire des communes qui ne se racontent pas forcément dans le sens de l’interprétation la plus évidente.
Lionel Jouneau, qui ne se représentera pas, n’aura pas l’éventuel plaisir en tant que maire de voir les chiffres du recensement de janvier 2025 lui donner, ou pas, raison… en 2028.